12 - 19, Place Saint-Sernin. La Bourse du Travail

Place Saint-Sernin. La Bourse du Travail
Du temps de Jaurès à mai 68, Toulouse, une ville ouvrière
La « maison des syndicats » se dresse à Toulouse, telle un défi, à proximité immédiate du chevet de l'insigne basilique Saint-Sernin et de son presbytère, sur l'emplacement d'un ancien couvent récupéré par la municipalité républicaine dans les années 1880. À cette époque, l’Église pouvait apparaître comme dispensatrice d'un « opium du peuple » favorisant la soumission des ouvriers à leurs patrons, qui à Toulouse, pour la plupart d'entre eux, menaient dans les rangs monarchistes ou boulangistes de vigoureuses campagnes contre le régime républicain.
Les ouvriers anarchistes comme le tailleur Louis Tranier, le groupe anarchiste toulousain « Les Vengeurs », (1880-1900), les socialistes blanquistes, comme le typographe Charles de Fitte (1857-1892) avaient réclamé en vain aux maires républicains un local décent pour se regrouper. La municipalité radicale élue en 1888 et dirigée par le minotier (et génial caricaturiste) Camille Ournac, reçoit en 1890 un renfort de poids avec l'universitaire, actif journaliste, Jean Jaurès, nommé adjoint. Celui-ci, en marge de sa délégation aux affaires scolaires et universitaires noue des relations suivies avec un monde ouvrier en attente de reconnaissance. Il est même choisi pour arbitrer en 1891 une grève des tramways particulièrement violente. Les radicaux qui l'entourent acceptent alors d'appuyer sans réserve, mais non sans arrière-pensées électoralistes, la construction, en 1892, d'une Bourse du travail, inaugurée par le maire et ses adjoints Honoré Serres et Jean Jaurès.
L'une des premières de France, elle accueille dès janvier 1893 le congrès national qui prépare la création de la CGT. L'efficacité de la Bourse de Toulouse pour le placement, l'assistance aux chômeurs, mais aussi l'éducation générale et technique donne une vive impulsion aux syndicats qui peuvent depuis leur siège soutenir des grèves concluantes. Des leaders de qualité, tel le gazier Marty-Rollan (1876-1936) émergent sur le plan national, et le soutien de la municipalité se renforce avec la prépondérance des socialistes, installés pour longtemps à partir de 1925.
Les locaux se révèlent insuffisants. La municipalité Billières (1925-1935) décide de transformer le bâtiment, que l'architecte Jean Montariol dote d'une façade Arts déco dont la blancheur éclatante contraste avec les immeubles de brique attenants. La nouvelle citadelle ouvrière, réalisée par la coopérative ouvrière des Charpentiers Toulousains est décorée de ferronneries ouvragées et de médaillons mettant sobrement en scène les gestes du travail ouvrier dans leurs multiples variantes. La Bourse est inaugurée en juillet 1931.
Toulouse accueille, en janvier 1936, la réunification d'une CGT déchirée depuis 1920, préludant ainsi à la victoire du Front populaire. La Bourse est un centre actif d'aide à l'Espagne républicaine dévastée par la guerre civile, puis prend en charge l'accueil des syndicalistes espagnols réfugiés. Elle arrive même à maintenir une activité syndicale notable sous le régime de Vichy et devient la plaque tournante de la résistance ouvrière autour de son secrétaire Julien Forgues (1888-1970). La proximité avec les facultés de Lettres et de Droit permet en 1968 de ménager des contacts entre un puissant mouvement gréviste et le bouillonnement utopiste des étudiants, évitant peut être à Toulouse, où les manifestations ont été mieux préparées, les graves incidents et l' incompréhension absolue qui, ailleurs et surtout à Paris, ont divisé le mouvement et entraîné son échec politique, passées d'importantes avancées sociales qu'on n'aurait garde d'oublier.
La Bourse du Travail possède un buste de Jean Jaurès inauguré en 1922 (à compléter)
Voir aussi
- Parcours n°10 Le Parti ouvrier français
- Fiche transversale Jaurès le militant socialiste.


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